les humeurs du soleil auront eu raison du mois de juillet, à refroidir les corps et les cœurs de ses gouttes de pluie — l'été n'avait rien eu d'estival jusque là, alors ses rayons d'août tu les accueilles avec si grand bonheur ; tu y resterais des heures à en capter tout autant les bienfaits que les maux, à t'en brûler la peau l'épiderme et tu te consumerais de son toucher chaud, là, en plein milieu de la rue si tu le pouvais ;

mais maé, c'est que tu es missionnée et le temps n'attend pas tes envies tes caprices. alors tes pas avalent le bitume miroitant sous la chaleur, fuient les ombres des bâtiments, dépassent même la vitrine familière de ta propre boutique — où sont attablés quelques clients dont les mains sont partagées entre une tasse et les pages à tourner d'un livre entamé — pour s'arrêter finalement à celle d'après,

celle qui enivre de ses mille couleurs et brille de ses mille odeurs
celle qui capte les regards sous sa farandole de pétales qui s'ancrent à la rétine
celle où le vert des lierres est presque aussi éclatant que la lavande des glycines qui se font porte de l'entrée, entourée de ses tournesols, tulipes, roses et autres myosotis — ta reconnaisse des plantes s'arrête là, maé, et si tu admires le don d'alcyone pour arranger toute cette palette de couleurs en un tableau parfaitement dosé, tu ne peux pas en dire autant pour toi.

c'est bien pour ça que te voilà au pied de sa porte,
que tu pousses enfin du bout des doigts.
― bonjour !

et les prunelles fouillent déjà les étalages floraux qui s'offrent à toi,
en quête de la tête d'ange qui viendra à ton secours — alcyone, es-tu là ?

Remue remue, mâche mâche et avale, accoudé au comptoir, la nonchalance porte la fourchette de la pâtisserie aux lèvres, que tu ingurgites doucement depuis bien quelques minutes - le sucré et l'acidulé des fraises se mariaient à la chantilly et à sa crème avec un délice obsessionnel qui te semble inarrêtable ; il n'y avait pas à dire, si les humains savaient faire quelque chose, c'était bien la nourriture.

Regard dans le vide, les temps se font bien calme et ça ne saurait être pour te déplaire - déconnectée, tu n'aurais sû dire depuis combien de temps tu te tenais là, peut-être avais-tu passé la nuit ainsi, prenant dix minutes pour t'arrêter à la boulangerie qui se trouvait à trois pas de là, avant de revenir dans cette position léthargique.

Ni avait-il pas plus plaisant que la solitude de l'instant ? Une pensée qui, si elle vint à éclore, ne pu voir plus loin les rayons de son jour, car le carillon des nouvelles arrivées te fis brusquement reprendre tes esprits - tombant alors sur une silhouette qui t'étais à présent familière, dont les orbes se perdaient déjà dans les fleurs et plantes qui semblaient bien refléter ta propre attitude - fatigués.

Putain, on peut jamais être tranquille.

― Maé ! que s'exclame la joie, les grands sourires aux bras chaleureux déjà près à l'accueillir par quelques enjambées d'un pas chaloupé.

― Il fait beau après tout, j'aurais dû deviner que tu passerais, j'allais passer ce soir pour te rendre le livre que tu m'avais prêté... rajoutes-tu, enjoué en se tenant près d'elle pour capter son attention, espérant de ce fait lui faire dévier des pétales assombries aux feuilles tombantes.

― Alors que me vaut le plaisir de ta présence ?

Quelle ânerie.

le regard n'a pas le temps de chercher plus loin entre les pétales et les feuilles, ne s'attarde pas sur la façon dont les pauvres semblent chercher le repos — l'attention s'accroche déjà à alcyone, tout entier ; aux sourires de l'accueil qui peuvent se vanter de rivaliser avec la beauté des fleurs et à la présence, déjà près de toi.

― tu l'as terminé ? un sourire, avant d'ajouter : je peux le récupérer maintenant si tu préfères, tant que je suis là.

et les orbes se détachent un instant, s'envolent entre les rayonnages sans jamais trouver perchoir tant le choix ne t'appartient pas — il a toujours été et restera, toujours, celui d'alcyone. toute confiance en elle pour choisir pour toi, les fleurs et plantes qui orneront ta boutique pour les prochaines semaines.

le café ne saurait se passer de ses parements — même quelques clients s'osent à demander, désormais, quels seront les arrangements floraux concoctés par la voisine d'à côté.

— sinon, je venais passer commander pour le honey bee. tes plantes et tes fleurs nous manquent, l'ambiance est bien plus terne sans elles.

on aurait pu croire à de la prétention mal placée, une façon de complimenter sans blesser quitte à mentir pour faire plaisir, mais aucune hypocrisie n'est à déplorer ;
tout ce que tu disais, ce n'était que la vérité.

Tu l'as terminé. Tu en as lu chaque ligne, chaque mot, chaque inspiration menée par les virgules et points de suspension. Les livres étaient magiques et tu l'avais appris au côté de Maé - si beaucoup de genre ne sont par pour toi, tu t'étais éprise du fantastique et de la science-fiction, c'était là une échappatoire incroyable, des mondes imaginés et ressentis, simplement par la puissance de l'encre, de l'écriture, de quelques traits si important pour l'humanité, pour tout simplement communiquer.

Mais ton amour, le grand, lui, c'était dévolu sur les polars, c'était là ta dernière lecture et si tu n'appréciais pas la jeune femme pour qui elle était, tu portais un grand respect pour son métier - si tu avais pu choisir, c'est ce que tu aurais fait : libraire. Les livres ne mourraient pas, la lecture ne pouvait se faner et ils portaient en eux, plus de couleurs que les fleurs ne le pourraient jamais.

La jalousie fut fugace, mais intense -
le sourire sur les lèvres se fit plus joyeux.

C'est le chant des compliments et avec lui la raison de sa visite - et alors l'esquisse de ta joie monte jusqu'à tes yeux dans une parodie d'un bonheur feins. Une mascarade qui se questionnait sur sa réciprocité - c'est que Maé est tout, tout ce que tu souhaites être, à quoi tu te devrais ressembler, tout ce que tu ne seras jamais ; elle est simple Maé, elle est douce et rassurante Maé, elle est le soleil en hiver,  le grand verre de limonade en été, elle est l'écharpe de l'automne et elle est le vent qui souffle du printemps.

Maé est terriblement humaine, mais pas de telle sorte qu'elle est pleine d'erreurs, de défauts, de faux pas, d'ombres et de fissures. Non, Maé est le beau du vivant, elle est ce que tout être humain se rêverait d'être, elle est l'héroïne du roman qui finit bien, elle est celle qui détient les pouvoirs, celle qui résout le crime, elle est celle qui embrasse et celle qui survie.

Maé, oui, sachez le, est terriblement humaine.

Mais pour Alcyone, c'est avant tout une sacrée menteuse.

Oh ! Bien sûr ! Lecteur omniscient sait bien que Maé ne l'est pas, qu'elle est vraie et réelle, tangible dans son honnêteté, qu'il n'y a aucune hypocrisie à déplorer. Alcyone, cependant, ne l'est pas, comme dit dans ses écrits, elle ne comprend pas l'humanité.

Alors oui, Maé la Menteuse, pour toi ce n'est là que du vernis, du sucre glace sur une pâtisserie déjà trop garnie, on ne peut concevoir que Maé soit tout ça,
tout ce Beau
on le méprise
on le renie
ça
n'existe pas.

Nous, nous ne connaissons que l'hypocrisie de Là-Haut
et de soi-même.

― Oui ! Je l'ai fini, je l'ai juste là, je vais te le passer... l'amour de la voix, on l'entraîne un peu avec soi quand on tourne le dos pour marcher tranquillement derrière le comptoir - ainsi, les mains partent à la recherche, en dessous de ton bazar, de ce qui lui appartient. Tu vas être contente, d'ailleurs, j'ai de nouvelles variétés de fleur, mais je suis sûr que même sans elles-... ! Ah-... le voilà.

Ainsi redressée, tu lui tend ainsi Là où chantent les écrevisses par Delia Owens.

― Merci encore, j'ai adoré... et je disais, même sans mes fleurs, je sais que tu abuses, tu arrives toujours à rendre le tout, chaleureux. et ce n'était pas un mensonge - mais le dédain à dû s'extirper à temps de tes lèvres.

Tu passais souvent ; l'endroit transpirait l'amour.
Elle n'avait définitivement pas besoin de tes fleurs coupées.

Tu fais quelques pas pour détourner le meuble en bois qui vous sépare pour te retrouver à ses côtés.

― Y a-t-il des couleurs que tu voudrais mettre à l'honneur ? première question d'une longue liste à venir : était-ce pour l'intérieur, l'extérieur ou les deux ? Y avait-il une senteur en particulier qu'elle souhaiter instaurer ou au contraire éviter ?

Tu étais nul en arrangement floraux, Alcyone, ton entreprise se voulait jolie juste parce que tu avais découvert Pinterest.

à peine le temps d'y penser que ton livre est de retour entre les doigts, et alcyone de nouveau près de soi — l'envie de la sonder avec, de savoir ce qu'elle a pensé de cet endroit où chantent les écrevisses, et de tate, et de kya, et —

― merci, tu pourrais aussi proposer d'en recommander un autre, un nouveau à l'insatiable des mots, mais le temps n'est pas aux pages à tourner — et puis alcoyne le sait, un nouveau livre l'attendra toujours à la boutique d'à côté, elle n'a même pas à demander.

alors tu réfrènes tes interrogatoires et tes suggestions qu'il vaut mieux garder pour plus tard, une autre fois,
et c'est retour à la conversation,
avec un sourire pour étirer les lèvres et creuser les fossettes, celui qui se veut appréciateur du compliment fondé, on le sait, mais c'est la modestie qui prend l'aparté — tu hausses les épaules, secoues la tête et tes boucles blondes avec, et un geste de la main pour éloigner les flatteries,
avant que les prunelles se mettent de nouveau à virevolter.

— mhh, oui, peut-être – mais avec tes fleurs... tes yeux dévorent tout ce qui se trouve à portée car vraiment, jamais tu ne te lasseras de ces couleurs accrochées aux millions de pétales étalés ici et là — vraiment, les fleurs tu aurais pu passer des heures à les contempler et tu aurais pu te perdre cent fois dans les dédales de l'ortie d'alcyone sans jamais te lasser, ça te fait ce même câlin au cœur qu'un coucher de soleil aux teintes si orangées que tu voudrais les accrocher pour toujours à ta rétine, que le bruit de l'océan et la sensation de sable sous tes pieds ; oui, maé, tu viens toujours plonger dans ces couleurs et ces odeurs avec délice, comme un baume au cœur et au corps, alors : oui, avec tes fleurs c'est encore mieux.

tu laisses l'interrogatoire à alcyone — les questions, elle les pose à chaque fois pour répondre au mieux à ce que tu es venue chercher et ça passe des couleurs aux odeurs aux associations à éviter, aux nouveautés et aux habitudes qu'il faut garder, aux tailles aux visuels à la lumière et aux endroits où les placer, et plus et plus et plus encore.
mais c'est couleur, teinte, pigment, en premier, à la manière du peintre qui installe sa palette avant faire glisser son pinceau sur sa toile ;

― si tu peux interpréter l'été comme une couleur, alors c'est ça que je veux ! éclat de rire, le nez se retrousse et les yeux se plissent, ah, le soleil d'août a tout réveillé et tu voudrais que l'été s'étire jusqu'à l'infinité et jusqu'à se glisser entre les murs de ton café. en vrai, oui, des couleurs chaudes, des couleurs d'été, du jaune, du orange, du rose, du vert... t'as des variétés qui pourront résister à la chaleur ? je crois qu'ils prévoient une montée des températures et ça serait trop bête qu'elles meurent au bout de deux jours.

oh, comment tu comptes te prélasser sous les rayons d'août
et de sa vie douce d'été.